Niveau 2 – Mieux écrire
Si dans la première partie tout vous semble évident, voici des conseils un tout petit peu plus spécifiques.
Tout le monde veut jouer le thème
• Dans son traité Étude de l’orchestration, le compositeur Samuel Adler évoque plaisamment la fierté que ressent l’altiste lorsque, au beau milieu d’un quatuor de Haydn, lui est subitement confié un thème.
• Mieux écrire pour des cordes jouant en ensemble (quatuor, orchestre…) passe par le fait de varier le plus possible le rôle confié à chaque partie. Violoncelle et contrebasse ne sont pas obligés de jouer toujours la ligne de basse ; la contrebasse sait se servir de son archet ; l’ego du 1er violon survivra si ce dernier ne joue pas le thème pendant quatre mesures ; le 2nd violon est capable de monter dans l’aigu ; l’alto peut jouer la voix principale, etc.
• Quelques réflexes : en quatuor, pensez à échanger régulièrement 1er et 2nd (pour quelques notes, à une reprise…) Pensez à confier la mélodie, ou une partie de la mélodie, à n’importe quel instrument à cordes. N’hésitez pas à faire parfois passer l’alto ou même les violons sous le violoncelle. Variez l’octave à laquelle joue chaque instrumentiste, et faites-lui user également ses quatre (cinq) cordes.
Pizz. : oubliez les liaisons
• Une liaison au-dessus d’une mesure en pizzicato… et vous être grillé ! Pour l’instrumentiste à cordes, la liaison n’est pas un phrasé mais évoque directement un coup d’archet. Tôt ou tard vous devrez répondre à la question : « Mesure 8, c’est bien en pizz. ?? »
• Si vous tenez absolument à indiquer un phrasé sur des pizzicati, vous pouvez utiliser les liaisons pointillées. Cela n’est pas habituel mais est clair pour tout le monde.
• Cette règle souffre une exception : lorsque plusieurs pizz. sont réalisés avec un seul geste d’un seul doigt de la main droite ! Cela n’est possible que pour les pizz. glissés, et en arpégeant les groupes de notes pouvant être joués en doubles cordes ou en accords (la main gauche reste dans la même position durant tout le geste). Ce deuxième cas donne un résultat très résonant. Au violon et à l’alto, sauf technique spéciale de l’interprète, seuls les gestes ascendants sont possibles ; ce n’est pas le cas au violoncelle et à la contrebasse.
• Ne sont pas concernées les petites liaisons qu’on peut utiliser pour figurer un pizz. résonant… même si leur effet, au moins au violon dont les pizz. sont désespérément courts, relève de la superstition.
Pizz. : jamais de staccato
• Croyant bien faire, plus d’un arrangeur ajoute des points de staccato sur les pizzicati. C’est une notation redondante, puisque le pizzicato est court par défaut. Cette notation absolument inusitée rendra l’instrumentiste perplexe : lisant des pizzicati avec points, il croira probablement qu’il lui est demandé de jouer des pizzicati spécialement courts, secs ou étouffés. Si c’est justement l’effet souhaité, mieux vaut de toute façon utiliser une indication textuelle, en ajout ou en remplacement.
Pizz. : simplifiez la longueur des notes
• Le pizzicato étant une note courte par défaut (un alto n’est pas une guitare), la longueur écrite des notes n’a aucune conséquence sur la durée de résonance. Il ne faut donc pas écrire de prolongations de durées.
• De façon plus générale, la durée écrite n’étant pas corrélée à la durée de résonance, il faut utiliser les valeurs rythmiques les plus simples à lire. On peut accepter des exceptions à cette règle, par exemple pour dénoter des notes particulièrement courtes, ou pour montrer précisément où le son est étouffé, en particulier pour les instruments graves dont la résonance en pizz. est longue.
• Enfin, on n’a pas l’habitude de voir des rondes en pizzicati, et selon le tempo, même les blanches peuvent paraître étranges au violon où la résonance d’éteint rapidement.
Ne faites plus l’erreur du barré
• Les quintes se jouent sans problème sur les instruments accordés en quintes. En revanche, les empilements de deux quintes ou plus (position de main gauche qu’on appellerait « barré » à la guitare) sont problématiques au violon et à l’alto, où ils réclament une position de main gauche très inconfortable.
Utilisez la clé optimale
• L’alto, écrit en clé d’ut 3, passe en clé de sol pour certains passages aigus. Le violoncelle, écrit en clé de fa, passe aisément en clé d’ut 4 puis en clé de sol, et la contrebasse est aussi habituée à ce système à trois clés.
• Les clés inadaptées sont une maladresse commune. Les instrumentistes sont capables de lire leur clé principale jusqu’à des notes aiguës, surtout dans une progression conjointe : inutile de changer de clé à toute occasion.
• Les clés secondaires sont utilisées pour les notes aiguës de l’instrument. Il est un peu maladroit de les employer pour des notes qui pourraient être lues dans la clé principale. Ainsi bien des violoncellistes ne savent lire en clé d’ut 4 que les notes du haut de la portée !
• Le reste du temps, le choix de la clé est celui qui demande le moins de changements. Éviter les clés d’ut peut être un confort pour le compositeur mais un mauvais choix pour l’instrumentiste.
La page suivante propose quelques idées pour utiliser toutes les possibilités offertes par les instruments à cordes.